Charbon et nucléaire
Par Labruyere le 17 mars 2007
Thème(s) : Rôles nucléaire et énergies renouvelables
Mots clés : charbon, combustibles fossiles, nucléaire, santé publique
La focalisation actuelle sur l’effet de serre fait oublier que l’utilisation des combustibles fossiles pose aussi de très graves problèmes de santé publique à l’échelle locale, et l’absence quasi totale d’information à ce sujet par les médias et de débat public les a occultés complètement, à l’exception des marées noires pour le pétrole et de la pollution atmosphérique dans les villes.
En ce qui concerne la pollution atmosphérique, on insiste surtout sur la pollution automobile, mais peu de gens sont au courant de l’ampleur des dégâts: les évaluations actuelles sont de quelques dizaines de milliers de morts par an en France, surtout dans les grandes villes. Ce danger va cependant décroître car les constructeurs automobiles, sous la houlette de la Commission Européenne, ont fait de très gros efforts dans ce domaine.
Le black-out est à peu près total sur les dangers entraînés par l’usage des combustibles fossiles dans la production d’électricité. Or la Commission Européenne, dans le cadre principalement du projet ExternE, a évalué ces dangers: la mortalité serait en Europe, pour les centrales thermiques actuellement en fonctionnement, de l’ordre de 1000 années de vie perdue par TWh d’électricité produite pour les centrales à charbon et pour les centrales à fuel lourd, et d’environ 300 pour le gaz. Ce qui veut dire que si comme l’Allemagne et le Danemark, la France avait fait le choix du charbon comme mode principal de production d’électricité, ou comme l’Italie elle avait fait le choix du fuel lourd, le nombre d’années de vie perdues par an serait de l’ordre de 500 000 ( ce qui correspond à une mortalité annuelle du même ordre que celle due à la pollution automobile) et que comme l’Allemagne et l’Italie, elle exporterait cette pollution au gré des vents dans les pays voisins. Bien sûr les techniques s’amélioreront, mais pour l’instant il n’y pratiquement aucune centrale en Europe permettant d’éviter cette pollution et les centrales futures ne feront que la réduire.
Encore ces évaluations ne sont faites qu’à partir des émissions de SO2, oxydes d’azote, suies et hydrocarbures aromatiques polycycliques .En ce qui concerne le charbon, il faudrait y ajouter la pollution par les éléments”hasardeux” qu’il contient, arsenic, mercure, éléments radioactifs tels que l’uranium, le thorium et surtout le radon 222 , gaz impossible à arrêter et qui produit avec une période de quelques jours du polonium 210, dont des évènements récents ont montré le danger, et du plomb 210. Il faudrait également y ajouter les masses énormes de déchets solides (60 000 tonnes par an et par TWh!) et la pollution ( poussières) entraînée par les quantités énormes de charbon qu’il faut transporter pour alimenter les centrales ( de l’ordre de 1000 t par jour pour 1 TWh annuel produit).
Si l’on prend en compte les accidents dans les mines et la silicose, en particulier dans les pays émergents, et les effets locaux très importants des exploitations sur l’environnement et la santé publique, et bien entendu l’effet de serre on comprend que le charbon est de très loin le plus mauvais moyen pour produire de l’électricité si l’on se soucie d’environnement et de santé publique.
C’est pourtant comme on l’a dit le choix de l’Allemagne et du Danemark, et à l’échelle mondiale le charbon est de plus en plus sollicité. En France actuellement les projets de centrales à charbon se multiplient.
Ne serait-il pas bon que l’information circule à ce sujet? L’émission Cdans l’air du 17 Mars sur la 5 a commencé à lever un coin du voile, mais c’est bien insuffisant.
Observons en passant qu’une grande difficulté de la mise en place d’une politique énergétique européenne est probablement due au fait qu’un grand nombre de pays européens ont fait le choix des combustibles fossiles pour leur production d’électricité et s’opposent aux pays qui comme la France ont fait le choix du nucléaire. L’accord qui vient de se faire n’est qu’un accord a minima sur une politique de développement des énergies renouvelables qui permet à tout un chacun de se dédouaner, mais qui n’aborde pas les problèmes sur le fond.
.Tout cela ne justifierait-t-il pas un véritable débat public ?
Le débat publique, oui il est nécessaire, on l’attend. Ensuite charbon ou nucléaire, les 2 sont nocifs, différemment.
Précisions pour frank-nat: le projet ExternE a évalué les risques entraînés pour les populations par les centrales nucléaires en fonctionnement normal. L’ordre de grandeur est de 10 morts par TWh d’électricité produite. Les évaluations de l’ONU sont très voisines. C’est donc considérablement moins que le charbon et le fuel lourd (1000) ou même le gaz ( 300). Pour ce dernier, l’utilisation de centrales à cycles combinés équipées d’installation de dépollution efficace devrait cependant diviser le risque par 10.Mais il y a encore très peu de ces centrales, et il n’est pas évident que l’on en construise beaucoup étant donné le coût du gaz et l’incertitude sur sa disponibilité.
Les évaluations d’ExternE ne tiennent pas compte des risques entraînés par les éléments radioactifs contenus dans les charbons. Les évaluations de l’ONU font état par unité d’électricité produite d’un risque pour les populations voisines des centrales à charbon à peu près 10 fois supérieur à celui que fait courir une centrale nucléaire. Mais il faut aussi tenir compte des risques diffus que fait courir l’utilisation des cendres pour fabriquer des bétons. Compte-tenu de tout cela, il apparaît en utilisant les coefficients de risque préconisés par la Commission Internationale de Protection Radiologique que le fait d’avoir en France des centrales nucléaires au lieu de centrales à charbon fait “économiser” aux Français de l’ordre de 500 morts par cancer radio-induit par an.
Je ne parle pas bien entendu des risques d’accidents et de maladies dans les mines, qui sont monnaie courante pour le charbon ( de l’ordre de 20 000 morts par an dans le monde pour les accidents et sans doute 10 fois plus pour la silicose), mais il est vrai que nous ne courons plus ce risque chez nous, tant pis pour les autres.
Quand au risque que font courir les déchets nucléaires, il faut quand même rappeler que le volume cumulé pour le 20ème et le 21 ème siècle, emballages compris,des déchets dont on estime devoir se protéger ne représentera qu’un cube de 50 mètres de côté, tandis que le volume des déchets produits par le charbon représentera un cube de 5km de côté.Ces déchets contiendront beaucoup plus au total d’éléments radioactifs que ceux du nucléaires et seront dispersé un peu partout.
Il faut savoir également que la couche argileuse de Bure dans laquelle on enfouira peut-être les déchets nucléaires contient également des éléments radioactifs, et que les quantités excavées en contiendront plus que ce qui y sera enfoui. En effet les argiles contiennent pour les mêmes raisons que les charbons de l’uranium, du thorium, du potassium 40 et les descendants de l’uranium 238 dont certains comme le radium 226 et le polonium 210 sont plus actifs que le plutonium et sont produits continuellement. C’est d’ailleurs grâce à cela que les géologues identifient les argiles dans les forages, au moyen de sonde à spectrométrie gamma.
Mais peut-être est-ce que j’enfonce des portes ouvertes et que vous saviez tout cela.
Vous me paraissez donc bien léger de renvoyer ainsi symétriquement dos à dos le nucléaire et le charbon, comme s’ils présentaient des risques équivalents ( la peste et le choléra)
Finalement, une question: si le nucléaire et le charbon sont finalement à proscrire, quelles sont vos solutions, argumentées quantitativement, pour produire l’électricité dont nous avons besoin en France?
Charbon et nucléaire nocifs différemment dit Frank-nat.
Il a raison: charbon très très très nocif et très très très dangereux (mines et silicose); nucléaire très peu nocif et très peu dangereux quand il est bien conçu, bien construit et bien exploité ce qui est maintenent le cas de tous les réacteurs mondiaux. Reste à faire en sorte que de nouveaux réacteurs ne soient construits que dans des pays à excellent culture de sûreté.
Et je suis parfaitement d’accord avec Labruyère
Labruyere dit :
“Il faut savoir également que la couche argileuse de Bure dans laquelle on enfouira peut-être les déchets nucléaires contient également des éléments radioactifs, et que les quantités excavées en contiendront plus que ce qui y sera enfoui. En effet les argiles contiennent pour les mêmes raisons que les charbons de l’uranium, du thorium, du potassium 40 et les descendants de l’uranium 238 dont certains comme le radium 226 et le polonium 210 sont plus actifs que le plutonium et sont produits continuellement. C’est d’ailleurs grâce à cela que les géologues identifient les argiles dans les forages, au moyen de sonde à spectrométrie gamma.”
Si je comprend bien en somme on va purifier le sous sol de bure en enfouissant des matériaux moins radioactif ? Mais alors que va t on faire des matériaux argileux radioactifs excavés ? Et surtout pourquoi alors réaliser cette opération ?
“Finalement, une question: si le nucléaire et le charbon sont finalement à proscrire, quelles sont vos solutions, argumentées quantitativement, pour produire l’électricité dont nous avons besoin en France?”
Un début de réponse est disponible sur le site de negawatt, ou de greenpeace, la question fondamentale reside bien sur sur l’évaluation de nos vrais besoins énergétique…
@Jacques Frot
Tous les réacteurs actuels sont bien conçu? Vous me permettrez d’avoir un doute sur les RBMK, GBWR, et autres vieux VVER !
http://www.uic.com.au/nip56.htm
Au sujet de la culture de sécurité, je préfère qu’in fine la sécurité repose sur la quasi-impossibilité à planter un réacteur bien conçu (ex: nos REP et du futur EPR), plus le confinement en cas de plantage majeur (Ex: TMI qui ne provoqua aucune pollution radioactive malgré la fonte du réacteur, ce qui est le pire scénario).
@seb
“Et surtout pourquoi alors réaliser cette opération ?”
=> c’est une très bonne question. Probablement parce qu’on ne sait pas ultra-diluer les matériaux dans l’argile.
@seb: je veux tout simplement dire que le fait d’enfouir les déchets dans les argiles de Bure ne changera guère la radioactivité de l’ensemble en profondeur, qui de toute façons n’ a aucun effet à la surface, étant donné l’épaisseur des terrains situés au-dessus, 500 mètres, soit environ 100 fois ce que peuvent traverser les rayons gamma les plus énergiques.Qua
@seb: suite à un incident technique, je reprends: Les argiles excavées ont une radioactivité qui est très faible par unité de masse à leur voisinage. Le danger qu’elles présentent est donc très faible,(et c’est heureux car autrement les gens qui vivent dans les régions argileuses devraient beaucoup s’inquiéter),contrairement au danger que ferait courir à son voisinage immédiat une source très concentrée comme le seraient les déchets laissés à l’air libre. Comme le dit CO2, une ultra dilution de ces déchets dans de l’argile , si elle était possible, serait une solution. Maintenant si comme Green Peace ou Sortir du nucléaire vous faites les calculs de risque à partir de la théorie des faibles doses,vous trouverez effectivement que le risque que font courir les argiles excavées est globalement le même que celui des déchets s’ils étaient laissés à l’air libre.
Mais vous aurez du mal à faire gober çà même aux populations” menacées” de Bure.
Quant au scénario Négawatt, il y a belle lurette que je l’ai lu avec attention.C’est effectivement une base de discussion.Encore faut-il accepter cette discussion. Ce n’est pas le point fort des auteurs de ce scénario, qui comme beaucoup d’antinucléaires me semblent avoir plutôt choisi de faire valider leurs calculs par la presse et par l’opinion plutôt que par des instances scientifiques.
J’ai écrit à leurs auteurs il y a déjà bien longtemps pour leur faire part des points que je considérais comme très faibles.J’attends toujours la réponse.Vous en trouverez une critique détaillée, sur www.sauvonsleclimat.fr, en même temps qu’un scénario qui s’appelle Negatep, qui constitue lui aussi une base de discussion.
En ce qui concerne les dangers du charbon, vous avez sans doute encore en mémoire l’accident qui vient d’avoir lieu en Sibérie, mais comme tout le monde, vous allez l’oublier bien vite, comme vous avez sans doute déjà oublié les accidents ayant été signalés par les médias l’année dernière plus particulièrement en Ukraine et en Chine. L’évaluation faite au niveau mondial est de l’ordre de 400 morts par semaine, dont la moitié en Chine.La mortalité par silicose est dix fois plus importante.Et la mortalité due à la pollution atmosphérique entraînée par l’usage du charbon est absolument énorme. En Europe des 15, malgré les précautions prises, la mortalité due à la pollution atmosphérique est comme je l’ai dit de l’ordre de 1000 années de vie perdues par TWh produit, soit 750 000 années de vie perdues par an ( environ 30 000 morts par an dont près de la moitié en Allemagne ). A l’échelle mondiale, le nombre de morts dus à l’ensemble de ces causes est proprement stupéfiant ,en particulier en Chine et en Inde. A votre avis,pourquoi ce silence des associations écologistes, du moins celles qui occupent le devant de la scène médiatique, sur le sujet?
@ labruyère :
“Quant au scénario Négawatt, il y a belle lurette que je l’ai lu avec attention.C’est effectivement une base de discussion.Encore faut-il accepter cette discussion. Ce n’est pas le point fort des auteurs de ce scénario, qui comme beaucoup d’antinucléaires me semblent avoir plutôt choisi de faire valider leurs calculs par la presse et par l’opinion plutôt que par des instances scientifiques.”
>> je n’aurais pas dit mieux !
mes discussions avec les anti-nucléaires, souvent bornés par leur postulat de départ (nucléaire = danger), ne sont pas rationnels.
Du coup, ils sont démagogues.
Et gagnent…
facile d’interpeler des populations et des médias ignorant la question.
Je leur laisserai le soin d’expliquer à leurs enfants qu’ils ont contribué à l’effet de serre en reniant une source d’énergie propre, pour y planter derrière des centrales à énergie fossile.
Et qu’on ne vienne pas me dire pas qu’on peut remplacer l’EPR par des éoliennes.
C’est ignorer délibérément des contraintes techniques, et refuser les résultats d’une comparaison rationnelle.
Je suis étudiant, écologiste convaincu, et je passerai ma vie à lutter contre les inepties et le terrorisme intellectuel des salariés de lobbies ou d’activistes étroits d’esprit, qui caractérisent l’active minorité d’anti-nucléaires.
Puisse la Terre leur pardonner.
Encore une fois comparer simplement nucleaire / éolienne n’est pas tres pertinent, chaque type d’énergie ayant ses spécificités. Par exemple peut on faire 100% d’electricité nucléaire ? Non il faut des moyens de régulations (thermiques ou hydrauliques actuellement) pour suivre les variations de consommation car les centrales nucleaires ne sont pas assez “flexibles”. En passant ceci est particulierement aggravé par la sensibilité climatique des variations de consommation en france : on a favorisé le chauffage électrique (en isolant mal) a cause du parc electronucléaire surdimmensionné, donc en hiver plus de besoin de régulation a flamme, d’ou un chiffrage du kwh elect pour le chauffage de 180gCo2.
Non on ne peut pas remplacer à l’identique un EPR par des éoliennes, le “service rendu” au systeme electrique n’est pas le meme : production de base contre production “fatale”.
Pourtant en terme d’énergie et de garantie de puissance le remplacement est possible (dans le systeme francais electrique actuel), consultez le bilan de RTE : la puissance substituable de l’éolien est d’environ 30% :c-a-d que 1600 MW d’epr sont remplacés par 5400 MW éolien.
RTE dit encore que le systeme electrique francais est bien mieux adapté qu’en allemagne ou au danemark, et que 10gw d’eolien ne pose aucuns probleme au réseau.
La position des edf et rte initialement opposés a l’éolien a completement évolué depuis quelques années.
Il existe une limite technique a l’intégration des eoliennes sur un réseau, de l’ordre de 20 à 30 % suivant les avis. Cette limite sera amélioré par les progrès de prevision de la production éolienne, les progres dans la gestion du réseau national et transnational, les progres dasn la conception des éolienne (electronique de puissance) et par des moyen de stockage tampons ou centralisés (hydrau, air, H2).
Mais encore une fois la priorité du débat est plutot de remplacer l’epr et les nouveaux moyens thermiques par de la sobriété et de l’économie !
@seb, des progrès dans l’utilisation des éoliennes auront lieu, je n’en doute pas. Arrivera-t-on à un taux de pénétration sur le réseau de 20 à 30% de la quantité d’électricité éolienne anuellement produite ( est-ce bien cela que vous voulez dire?) sans accroître notre proportion d’électricité produite par des centrales à flamme, peut-être mais j’en doute fortement. On atteindrait d’ailleurs à ce moment la limite des capacités équipables de l’éolien en France, qui est je crois de l’ordre de 140 TWh annuels ( 60 à terre, 90 en mer) productibles. Mais encore une fois, pourquoi?Ne vaut-il pas mieux investir les énormes sommes correspondantes dans les économies d’électricité, ce qui aura pour effet de stopper la croissance infernale de nos moyens de production et en particulier de ne pas construire de centrales nucléaires supplémentaires , tout en conservant un système de production électrique qui est le moins polluant et le moins cher d’Europe, Norvège,Islande et peut-être Suède exceptés car ces pays ont d’énormes ressources d’ hydroélectricité.
Si le but est de faire disparaître les centrales nucléaires, avec quoi produirez-vous les 60 ou 70 % manquants ( compte-tenu des 10 % de notre production hydroélectrique) sinon pour l’essentiel avec des centrales thermiques?Lisez Négawatt me direz-vous sans doute. Mais je l’ai déjà fait et je n’ai pas été convaincu, et ce n’est pas l’exemple de l’Allemagne qui met en pratique cette politique qui va me convaincre : elle n’a toujours pas réussi en 10 ans à faire diminuer la pollution de sa production électrique ( et elle produit aussi les voitures les plus émettrices de gaz carbonique d’Europe) et le prix de l’électricité y est bien supérieur à ce qu’il est chez nous( en tous cas pour l’instant).