L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) a été créée en 2004 pour subventionner massivement les opérations de restructuration des quartiers d’habitat social les plus dégradés. Son programme – déjà largement engagé – vise à construire 250 000 logements locatifs sociaux, en détruire autant et en réhabiliter 400 000 d’ici 2013. Sur cette période, près de 35 milliards d’euros devraient être mobilisés par les opérations soutenues par l’ANRU. Au-delà des interventions sur le logement lui-même, l’ANRU peut aider les opérations afférentes sur les espaces et équipements publics, les déplacements locaux, les infrastructures économiques locales (commerce de proximité, immobilier d’entreprise…). Enfin, l’ANRU finance l’ingénierie de projet (études, expertises, conduite de projet, concertation locale…).

Les pouvoirs publics disposent donc là d’un formidable levier pour promouvoir l’efficacité énergétique dans le logement social, aussi bien dans le neuf que dans l’ancien, et au-delà, améliorer le bilan carbone de morceaux entiers du tissu urbain en jouant sur la localisation des équipements et des activités, sur la demande et l’offre de déplacements locaux, etc.

Ainsi, l’octroi de la subvention de l’ANRU pourrait être conditionné par la réalisation d’un diagnostic énergie/carbone du projet et le choix de la variante la plus avantageuse. Ce diagnostic lui-même pourrait être financé par l’ANRU. Les éventuels surcoûts d’investissement générés par un choix avantageux en terme de bilan énergie/carbone pourraient bénéficier d’un taux de subvention ANRU majoré. L’innovation, l’expérimentation, les opérations de démonstration - par exemple en matière de recours aux énergies renouvelables, aux techniques de l’habitat bio-climatique, aux matériaux de construction performants, de développements de l’intermodalité dans les déplacements locaux… - pourraient également bénéficier d’un bonus de l’ANRU.

Or ce levier est inutilisé. La commande politique passée à l’ANRU était, lors de sa création, et est restée aujourd’hui de « faire du chiffre » en réponse à la situation d’urgence, bien réelle, dans laquelle se trouvent bien des quartiers visés par ces opérations. Du coup, en trois ans, l’ANRU s’est engagée (conventions signées) à hauteur de 20 milliards d’euros, sur plus de 300 quartiers représentant plus de 2,5 millions d’habitants… mais avec une influence limitée sur le contenu des projets et en tout cas, apparemment, sans aucune exigence quant à l’efficacité énergétique et les émissions de GES des projets. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir le numéro spécial ANRU que vient de publier la revue « Urbanisme » (en téléchargement libre et gratuit) sous le titre « Enjeux, mise en œuvre, qualités »: en dépit de son actualité… brûlante, la question brille par son absence !

Il suffirait pourtant de peu : le conseil d’administration de l’ANRU regroupe les représentants des bailleurs sociaux et les principaux ministères concernés, y compris celui de l’écologie et du développement durable. Il ne manque que l’impulsion politique, et peut-être un peu d’expertise ad hoc, tant au sein de l’ANRU que de son administration de tutelle, la délégation interministérielle à la ville. Au plan local, une invitation aux élus locaux, porteurs des projets, et aux délégués territoriaux de l’ANRU (préfets ou DDE), qui les instruisent, à travailler en meilleure liaison avec les délégations régionales de l’ADEME pourrait aussi être utile.

Tout cela ne coûterait pas grand-chose en regard des masses de crédits que manie l’ANRU. C’est surtout une question de choix - et donc de volonté – politique.

Quel que soit le gouvernement qui sortira des urnes à la fin du printemps, l’ADEME devrait l’interpeller sur cette opportunité que nous sommes en train de laisser passer.

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